Après plus de 65 ans d’unitarisme comme mode de gestion de la République Démocratique du Congo, le bilan est accablant : échec institutionnel, centralisme inefficace, développement inégal, frustrations régionales et tensions permanentes. À l’heure où les esprits lucides s’ouvrent enfin à la nécessité d’une alternative, une piste autrefois diabolisée refait surface avec insistance : le fédéralisme.
Pourtant, à peine le mot est-il prononcé que les apôtres de l’unitarisme, devenus malgré eux les chantres d’un échec persistant, s’agitent et crient au loup. À leurs yeux, le fédéralisme serait un synonyme déguisé de balkanisation, un péril menaçant l’unité du pays. Cette réaction, tout sauf rationnelle, est d’autant plus surprenante que le régime aujourd’hui au pouvoir n’a pas toujours rejeté cette idée. Rappelons que dès 1982, avec l’apparition des « 13 parlementaires », le débat sur la décentralisation et le fédéralisme avait été porté haut par ceux-là mêmes qui prétendent aujourd’hui le combattre.
Ce qui menace réellement la cohésion de la RDC aujourd’hui, ce n’est pas le fédéralisme, mais le tribalisme rampant, le népotisme décomplexé et la gestion à courte vue qui caractérisent les six dernières années. Une gouvernance paroissiale, centrée sur les appartenances et les amitiés, a profondément affaibli l’État et miné la confiance des citoyens.
Le fédéralisme, bien compris et bien appliqué, pourrait au contraire redonner espoir et impulsion à un pays vaste, riche, mais fragmenté dans ses réalités. Les spécificités culturelles, les mentalités locales, la diversité sociologique et la répartition inégale des ressources ne sont pas des obstacles, mais des opportunités. Le fédéralisme pourrait stimuler une saine émulation entre entités fédérées, chacune développant ses atouts selon ses priorités, dans le cadre d’un État fort et régulateur.
Il ne s’agira pas de confier les régions aux autochtones au nom d’une logique identitaire, mais de construire des gouvernances locales fondées sur la résidence, la compétence et l’équilibre. Un fédéralisme de responsabilité et non d’appartenance. Un fédéralisme incarné par des parlements locaux efficaces, non complaisants, en rupture totale avec les pratiques actuelles.
L’heure n’est plus aux procès d’intention, mais à l’audace politique. L’union ne se décrète pas par un centre hypertrophié, elle se construit dans le respect des diversités. Le fédéralisme n’est pas la fin de la RDC. Il pourrait bien en être le début réel.