Agathe Habyarimana blanchie : La justice française dynamite la propagande du FPR

Dans une ordonnance explosive rendue publique ce dimanche 18 mai 2025, les juges d’instruction du tribunal judiciaire de Paris ont mis un terme à des années d’accusations pesant sur Agathe Habyarimana, veuve (âgée de 83 ans) de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, souvent décrite comme l’une des figures supposées de « l’Akazu », ce cercle de pouvoir accusé d’avoir planifié le génocide de 1994.

Les magistrats français ont été catégoriques : le dossier est vide. L’ordonnance du 16 mai affirme que les témoignages réunis sont « contradictoires, incohérents, voire mensongers », et que « si la rumeur est tenace, elle ne peut faire office de preuve en l’absence d’éléments circonstanciés et concordants ».

C’est une claque pour Kigali et un séisme dans le narratif international imposé depuis 30 ans par le Front Patriotique Rwandais (FPR) du président Paul Kagame.

Une décennie d’enquête pour rien ?

Depuis l’ouverture de l’information judiciaire en France en 2008, Mme Habyarimana a vécu sous une ombre judiciaire constante. Soutenue par certains réseaux d’opposition et dénoncée comme symbole de l’ancien régime par les autorités rwandaises, elle a été ciblée dans une guerre politique qui dépassait largement la justice.

Il sied de noter que cette décision relance une question taboue, notamment le narratif officiel du FPR sur le génocide de 1994 et ses acteurs cachait des zones d’ombre plus vastes.

Depuis 1994, le FPR a verrouillé le récit officiel du génocide : il y aurait d’un côté les « bons » (le FPR, libérateur du pays), de l’autre les « mauvais » (les Hutu, assimilés aux génocidaires). Ce manichéisme a longtemps servi de bouclier diplomatique et de levier économique, ayant permis à Kigali de capter des milliards de dollars en aides internationales, tout en étouffant les voix dissidentes.

Mais plusieurs rapports, dont le Mapping Report de l’ONU (2010), évoquent des crimes de masse commis par le FPR lui-même, notamment lors de ses incursions en République Démocratique du Congo (RDC). Plus de 6 millions de morts, selon des ONG congolaises et internationales, des centaines de milliers de femmes violées, et un pillage organisé des ressources stratégiques (en l’occurrence l’or, le coltan, la cassitérite).

Un système de mensonge d’État ?

Les conclusions des juges français viennent ainsi fissurer une structure narrative savamment entretenue pendant trois décennies. En ciblant Mme Habyarimana sans preuves solides, Kigali a peut-être voulu détourner l’attention de ses propres crimes présumés. Et l’Occident, en particulier la France, a longtemps évité d’enquêter trop profondément, de peur de heurter un allié stratégique dans la région des Grands Lacs.

Mais cette ordonnance change la donne. Elle pourrait ouvrir la voie à une révision plus large de la responsabilité historique, de la manipulation de la mémoire, et du rôle du FPR dans la tragédie rwandaise et congolaise.

Un appel à la conscience internationale est donc lancé. Fermer les yeux, c’est être complice. Il ne s’agit pas ici de nier le génocide, reconnu et documenté, mais d’exiger une lecture complète, honnête, et équilibrée de l’Histoire. Car en instrumentalisant le devoir de mémoire, le FPR aurait, selon ses critiques, couvert des crimes tout aussi graves, voire pires, au-delà des frontières du Rwanda.

L’Histoire jugera.Mais la justice française, elle, vient déjà d’écrire une page décisive.

De notre correspondant occasionnel

Wizera Jean-Baptiste

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