L’image de Constant Mutamba, ministre d’État en charge de la Justice et Garde des sceaux, vacille. Hier chantre d’une justice intègre et d’une administration épurée, il se retrouve aujourd’hui au cœur d’un scandale aux allures de chute tragique. L’Assemblée nationale a autorisé l’ouverture de poursuites judiciaires contre lui, actant un revirement politique brutal.
De donneur des leçons à l’accusé
Figure montante du paysage politique congolais, Mutamba s’était construit un profil de redresseur de torts. Il dénonçait la corruption, lançait audits et suspensions. Mais c’est justement dans l’exercice de cette « vertu » qu’il aurait, selon la justice, sombré.
Les accusations sont accablantes : tentative de détournement de fonds, contournement des procédures de marchés publics, signature de contrats antidatés, avances illégales, absence de garanties bancaires, et choix d’une société fictive pour un projet de prison fantôme à Kisangani. L’argent concerné provenait même d’un fonds destiné aux victimes de la guerre dite de 6 jours ayant opposée les armées du Rwanda et de l’Ouganda à Kisangani.
Du populisme à la duplicité
Pour certains, cette disgrâce est celle d’un homme rattrapé par ses propres méthodes : un vernis populiste, une posture morale, mais un agenda personnel. Pour d’autres, Mutamba paie le prix de son franc-parler et de son ambition présidentielle démesurée. La justice serait alors instrumentalisée par des rivalités internes, dans un climat de recomposition autour de figures en réémergence politique.
Mutamba devient-il gênant ? C’est je cas de le dire. Ce jeune ministre à la fleur de l’âge, soit 37 ans revolu, fort de son mouvement DYPRO et de ses prétentions nationales, il n’était plus un simple pion, mais un potentiel rival devenant encombrant.
Un précédent inquiétant
Certains analystes de la scènes politique congolaise ne se sont pas empêchés de faire la similitude entre l’affaire Constant Mutamba et le sombre épisode du Colonel Charles Alamba, exécuteur redouté de la Cour d’Ordre Militaire. Lui aussi, jadis tout-puissant, a fini broyé par le même appareil qu’il incarnait. Accusé d’assassinat, abandonné par ses protecteurs, il mourra anonymement en prison. L’histoire bégaie, mettant en garde ceux qui confondent pouvoir et impunité.
Quelle justice, pour qui ?
Au-delà du cas Mutamba, l’enjeu est institutionnel. Ce procès sera un test : la justice congolaise peut-elle juger équitablement un haut responsable, sans se faire l’outil d’un règlement de comptes comme cela fut le cas Vital Kamerhe dans le dossier de 100 jours ? L’exécutif de Judith Suminwa en sortira-t-il renforcé ou affaibli ? Voilà autant des questions qui intriguent ce procès tant attendu pour juger du sérieux de l’Etat de droit tant vanté par le régime actuel de Kinshasa.
Une chose est sûre : l’ascension fulgurante de Constant Mutamba Tungunga, ce transfuge du kabilisme, suivie d’une descente brutale, marque la fin d’une illusion. Populisme et moralisation ne suffisent pas à bâtir une éthique durable. Et parfois, l’arroseur devient l’arrosé !
G. Wakunonda