L’histoire politique de la République démocratique du Congo semble s’écrire en boucle, rythmée par un phénomène aussi troublant que récurrent : l’incapacité des leaders à incarner le changement qu’ils promettaient lorsqu’ils étaient dans l’opposition. C’est une énigme qui interroge la sincérité des engagements politiques et la profondeur des convictions des acteurs qui, une fois au pouvoir, reproduisent exactement les pratiques qu’ils dénonçaient avec virulence.
En RDC, l’opposition est un terrain fertile pour les discours enflammés contre la mauvaise gouvernance, le népotisme, la corruption et la répression des libertés. On y retrouve des hommes politiques qui se posent en redresseurs de torts, dénoncent les abus du pouvoir en place et promettent de gouverner autrement. Pourtant, une fois les rênes du pouvoir entre leurs mains, ils semblent frappés d’amnésie. Les pratiques qu’ils fustigeaient deviennent les leurs : clientélisme, musellement des voix discordantes, accaparement des ressources publiques… Une véritable métamorphose qui jette le discrédit sur la classe politique.
Dans ce cycle de reniement et de trahison, une catégorie de la population paie un prix particulièrement élevé : les jeunes militants, inféodés et fanatisés par les leaders politiques. Ils sont les premiers à descendre dans la rue, à affronter la répression, parfois au péril de leur vie, dans l’espoir d’un changement réel. Leur engagement est sincère, leur combat, souvent héroïque. Mais quand vient le temps du partage du gâteau, ils sont les premiers à être oubliés.
Nombreux sont aujourd’hui jetés dans les oubliettes, abandonnés à leur triste sort par ceux qu’ils ont contribué à porter au sommet. Certains croupissent en prison, d’autres survivent dans la précarité, regardant avec amertume ceux qu’ils soutenaient hier s’installer confortablement dans les allées du pouvoir. Ce mépris pour le sacrifice des jeunes militants illustre une fois de plus l’opportunisme qui gangrène la classe politique congolaise.
Ce paradoxe s’explique en partie par la nature du système politique congolais, où l’accès au pouvoir s’accompagne de privilèges et d’une logique de prédation bien ancrée. Même les figures les plus engagées finissent par être happées par les réalités d’un État construit sur des bases patrimoniales. Le régime politique, plus fort que les hommes qui l’animent, a cette capacité redoutable d’absorber et de transformer ses adversaires en parfaits continuateurs des anciennes pratiques.
Face à ce cycle infernal, le peuple congolais oscille entre espoir et résignation. Chaque alternance suscite l’enthousiasme, avant que ne revienne le sentiment de trahison. Cette situation ne pourra perdurer éternellement. L’avenir du pays repose sur l’émergence d’une génération de dirigeants qui ne se contenteront pas de dénoncer le système, mais qui s’emploieront réellement à le réformer une fois au pouvoir. Car ce n’est qu’à cette condition que la RDC pourra briser cette malédiction politique et amorcer un véritable changement.
L’histoire jugera sans complaisance ceux qui, hier, promettaient la rupture et qui, aujourd’hui, s’accommodent des travers qu’ils condamnaient. Mais elle retiendra aussi ceux qui auront osé inverser la tendance et redonner leur place aux jeunes qui ont sacrifié leur avenir pour le rêve d’un Congo meilleur.