A 88 ans, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo entame une mission à haut risque qui consiste à réconcilier les forces politiques congolaises pour sortir la RDC de l’impasse. De Johannesburg à Kinshasa, en passant par Harare, il tente d’imposer l’idée d’un dialogue national inclusif. Une initiative qui n’est pas sans rappeler le précédent historique de Sun City.
Pour moult observateurs, il s’agit d’une mission de la dernière chance lorsqu’on considère le contexte où l’Est de la République démocratique du Congo s’enlise dans une violence chronique. A cela s’ajoute la tension politique qui monte suite à l’intolérance, les injustices sociales et la gouvernance qui donne pas d’issus au peuple.
C’est dans ce contexte obscur que l’Union africaine et les États-Unis ont choisi Olusegun Obasanjo, un vieux routier de la médiation, un joker pour tenter de concilier les vues trop divergentes entre les acteurs politiques congolais. L’ancien chef d’État nigérian, connu pour son franc-parler et son entregent, s’est lancé déjà dans un véritable marathon diplomatique pour sonder les volontés, poser les jalons d’une transition, et peut-être écrire une nouvelle page de l’histoire congolaise.
De Johannesburg à Harare : les premiers signaux !
La mission a débuté à Johannesburg, dans la discrétion feutrée d’un grand hôtel. Première rencontre : Antipas Mbusa Nyamwisi. Ancien ministre, ancien chef rebelle, et figure politique de l’Est congolais. Selon des sources concordantes, Mbusa a rejeté l’idée d’un leadership providentiel — notamment celui de Joseph Kabila — et aurait plaidé pour une transition à gouvernance collégiale. Un point de vue qui fera écho à d’autres.
Direction Harare dans la capitale zimbabwéenne, Obasanjo a échangé avec Joseph Kabila. L’ancien président, est resté plus offensif. Le Raïs et sénateur à vie estime que Félix Tshisekedi est le cœur du problème. Il n’a fait que ressasserses diresde l’une de ses récentes sorties médiatiques. Il fustige les « engagements non tenus de Félix Tshisekedi», sa « gouvernance erratique », et surtout sa « tentative de changement de Constitution ». Pour Joseph Kabila, il n’y a pas de sortie de crise sans le départ de l’actuel chef de l’État Congolais.
Face à Tshisekedi : une franchise désarmante
Reçu par Félix Tshisekedi à Kinshasa, Obasanjo aurait parlé sans détour à ce dernier : « La situation est hors de contrôle. Il vous faut une solution pacifique, et très vite ». Pour l’octogénaire, la proposition posée sur la table : un dialogue intercongolais débouchant sur un gouvernement de transition. Tshisekedi aurait donné un accord de principe.
Sun City dans les mémoires
Ce scénario ravive un souvenir marquant : le dialogue intercongolais de Sun City, tenu en Afrique du Sud entre 2002 et 2003. Un rendez-vous qui avait débouché sur une transition politique avec le gouvernement de 1 + 4, après la deuxième guerre du Congo. Aujourd’hui encore, Sun City symbolise l’un des rares succès de diplomatie régionale sur le continent. Cyril Ramaphosa s’est dit prêt à offrir le même cadre à cette nouvelle tentative de réconciliation. L’Éthiopie et le Ghana figurent aussi parmi les options.
Et maintenant ?
L’agenda d’Obasandjo prévoit d’autres consultations, en Afrique comme à l’international. Son objectif est de faire émerger un consensus viable, au-delà des ambitions personnelles et des lignes de fracture historiques. La RDC peut-elle se réinventer une nouvelle fois par le dialogue? Le vieux sage y croit encore. Et peut-être, cette fois, il n’est pas seul.
Jeef Mwingamb