Tribune – Le Fédéral (À la lumière du monitoring de la CNDH/Lualaba)
Dans une République Démocratique du Congo en pleine mutation, la province du Lualaba s’impose comme un territoire stratégique. Riche en ressources minières et moteur de l’économie nationale, elle porte une double responsabilité : impulser le développement tout en garantissant le respect des droits fondamentaux.
A travers cette tribune, Le Fédéral hebdo propose une analyse lucide et documentée, fondée sur les observations de terrain et les données issues du monitoring réalisé par la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), Coordination du Lualaba, sous la direction de M. Arthur Kabulo.
Créée par la loi n°13/011 du 21 mars 2013 en conformité aux principes de Paris, la CNDH en tant qu’institution publique d’appui à la démocratie, indépendante, apolitique et pluraliste, joue un rôle prépondérant en veillant au respect, à la promotion et à la protection des droits humains sur l’ensemble du territoire congolais selon la loi organique qui la régisse. La coordination provinciale du Lualaba, a permis à nous fournir des informations équilibrées qui s’adaptent aux réalités locales, suite à son suivi de proximité indispensable.
En prévision de la conférence des gouverneurs qui se tiendra à Kolwezi du 10 au 13 juin sous le thème : « La santé comme facteur de cohésion sociale et du développement durable des provinces », il nous a paru opportun de dresser un état des lieux réaliste de la situation des droits humains dans la province du Lualaba en mettant en exergue des avancées et stigmatiser les aspects de pesanteur tout en formulant quelques recommandations selon les avis synthétisés de la population et de certains acteurs socio-politiques. Car, nonobstant les avancées constatées, il y a encore trop des contraintes qui nécessitent des remèdes urgents.
Des progrès notables réalisés
En dépit d’un contexte socio-économique difficile, plusieurs avancées concrètes sont à souligner, notamment en matière de droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Une attention particulière est également portée aux groupes vulnérables, en l’occurrence les femmes, les enfants et les personnes vivant avec handicap. Il en est également des communautés affectées par les activités minières qui bénéficient d’un regard particulier de la gouverneure Marie-Thérèse Masuka Saini Fifi. Toutefois, faudra-t-il le souligner, la question des droits de l’homme dans le Lualaba est évolutive et non statique. Quand bien même il y a trop à faire au regard de l’importance de la province et de son immensité ( soit…….km²).
Libertés publiques : des progrès à consolider
Ces dernières années, les libertés d’expression et de manifestation connaissent une avancée appréciable. Cependant des efforts devraient y être encore consentis. Les habitants s’expriment librement dans l’espace public et sur les réseaux sociaux, même si certaines limites demeurent. Des débats contradictoires sont organisés sur différentes chaines de radios et de télévisions sans contrainte. Ce climat plus ouvert favorise de temps en temps un dialogue plus constructif entre les autorités provinciales et la société civile. De plus, les mobilisations citoyennes sont désormais mieux encadrées. L’on constate que les forces de l’ordre sont progressivement formées à intervenir de manière plus professionnelle, ce qui réduit les tensions et les débordements lors des manifestations.
Des avancées sociales saluées
Des améliorations significatives ne sont plus à démonter surtout dans le chef-lieu de la province, Kolwezi. Et c’est dans plusieurs domaines sociaux essentiels. Sur le plan sanitaire, la construction, la réhabilitation et l’équipement des centres de santé et hopitaux (Cas de l’HGR Mwangeji) permettent un meilleur accès aux soins pour les populations, même dans les zones reculées. Dans le secteur scolaire et académique, de nouvelles infrastructures éducatives modernes voient le jour, offrant aux enfants et jeunes un cadre d’apprentissage plus digne et sécurisé.
La situation sécuritaire s’est également stabilisée grâce à une présence renforcée des forces de l’ordre et à des actions de proximité. Enfin, les lieux carcéraux connaissent un élargissement (cas de Dilala à Kolwezi) bénéficient d’une attention particulière, avec des efforts notables en matière de conditions de détention grâce à la prise en charge totale par le gouvernement dans tous les territoires.
Ces progrès traduisent une volonté manifeste d’améliorer le bien-être collectif et de construire une société plus juste et plus équilibrée.
Les femmes et les jeunes sont encouragés à entreprendre grâce à des programmes de microfinancement et d’accompagnement local. Toutefois, ces avancées restent inégales et appellent à un engagement plus fort de l’État, notamment dans les zones rurales
Le droit collectif : un chantier en pleine construction
Dans la province du Lualaba, le droit collectif prend aujourd’hui une forme concrète et visible à travers des nombreux chantiers ouverts sur l’ensemble du territoire provincial. Guidée par une volonté politique affirmée, l’autorité provinciale sous le leadership du Président Félix Tshisekedi, œuvre sans relâche pour doter les populations d’équipements publics dignes de ce nom.
Ce n’est plus un secret, routes modernisées, écoles réhabilitées, centres de santé construits, espaces publics réaménagés : chaque projet incarne une réponse à un besoin collectif longtemps exprimé. Ces réalisations traduisent la reconnaissance du droit de tous à bénéficier des infrastructures de base, pilier fondamental du développement équitable.
Ce vaste programme de construction, de réhabilitation et de modernisation ne se limite pas à la matérialité des ouvrages ; il incarne une vision sociale : celle d’un Lualaba solidaire, où chaque citoyen trouve sa place dans un cadre de vie amélioré.
Environnement : des communautés plus écoutées
Dans les zones d’exploitation minière, la prise de conscience environnementale progresse. Des mesures d’atténuation commencent à être mises en œuvre pour limiter les dégâts sur les écosystèmes. De plus, les communautés locales, longtemps tenues à l’écart des décisions, sont désormais davantage consultées avant le lancement de projets industriels. Autre avancée notable : la reconnaissance timide mais croissante des droits fonciers coutumiers, qui marque un tournant dans la protection des territoires communautaires.
Les effectifs des exploitants miniers artisanaux sont de plus en plus maîtrisés comme des partenaires incontournables au développement. Leur encadrement se matérialise progressivement.
Populations vulnérables : une attention qui se structure
La protection des personnes les plus vulnérables (enfants hors famille et orphelins), elle aussi, s’organise merveilleusement. Des campagnes de sensibilisation contre les violences faites aux femmes se multiplient, soutenues par des lois plus strictes et une mobilisation citoyenne active. Les personnes handicapées commencent à être intégrées dans les politiques publiques, notamment à travers des initiatives d’accessibilité et de formation. Quant aux enfants en situation difficile, ils bénéficient de plus en plus de structures d’accueil adaptées, bien que les besoins restent importants.
L’ombre de Kinshasa : un frein structurel persistant
Malgré les efforts entrepris par le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi Tshilombo, la gouvernance provinciale reste confrontée à des contraintes majeures, souvent liées à une centralisation excessive du pouvoir à Kinshasa et à son influence irrégulière, notamment dans le secteur minier.
Plusieurs personnalités se revendiquant proches du pouvoir foulent aux pieds les lois de la République.
Conséquences :
Les effets se font sentir à plusieurs niveaux :
- Lenteur dans la décentralisation effective des compétences ;
- Faible autonomie dans la gestion des ressources naturelles ;
- Décisions majeures (notamment en matière minière) prises sans consultation des autorités locales, engendrant ainsi des conflits de compétences.
Ces entraves limitent fortement et malheureusement l’impact des politiques locales, en dépit d’une volonté manifeste d’agir par la dynamique gouverneure et tout l’exzécutif.
Recommandations et souhaits de l’opinion
Afin de consolider les avancées et lever les obstacles persistants, partant des observations de la CNDH/Lualaba et de la plupart des ONG, les recommandations suivantes aideraient :
- Renforcer l’autonomie provinciale, notamment par l’application effective de la retenue à la source des revenus à caractère national, le respect de la Constitution qui sépare les 2 niveaux de pouvoir, et le transfert effectif des compétences prévues (cas de la RN39, qui pèse sur le moral de l’exécutif provincial). Il est également nécessaire de :
- Mettre fin aux visites incontrôlées des structures de Kinshasa ;
- Régulariser les interventions des services centraux ;
- Octroyer des zones d’exploitation artisanales (ZEA) viables aux creuseurs artisanaux pour prévenir les soulèvements sociaux.
- Accroître les moyens logistiques et financiers des institutions provinciales de défense des droits humains.
- Établir un dialogue permanent et structuré entre Kinshasa et les provinces, dans un esprit de partenariat, et non de féodalité.
- Impliquer davantage les communautés locales dans la gouvernance des ressources naturelles et la mise en œuvre des projets de développement.
- Poursuivre et amplifier les programmes de protection des groupes vulnérables.
- Instituer un organe public permanent de délocalisation ayant un secrétariat technique en son sein.
Une dynamique à soutenir, un système à réformer
Le Lualaba n’est pas à la traîne. Il avance, parfois à contre-courant, mais progresse malgré tout, porté par une forte volonté politique locale et une mobilisation citoyenne croissante.
Sous la houlette de sa gouverneure, Marie-Thérèse Masuka Saini Fifi, et avec le soutien d’organismes tels que la CNDH, des progrès tangibles sont enregistrés.
Mais sans une réforme structurelle du rapport entre Kinshasa et les provinces, ces efforts risquent de rester inachevés.
Le respect des droits humains ne doit pas être un objectif lointain, mais une réalité vécue au quotidien, pour toutes et tous.
L’œil du Jaguar