Menace, manipulation et contrevérités à l’ordre du jour !
Arrivé à l’aéroport international de la Luano à Lubumbashi ce samedi 16 novembre 2024 en fin de soirée alors qu’on l’attendait depuis les petites heures de la matinée, le président congolais Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a encore prononcé un discours marqué par des prises de position absolutistes, fermes et des menaces ouvertes. Un discours loin d’apaiser les tensions existantes, n’a fait qu’exacerber les fractures politiques et sociales qui minent la République Démocratique du Congo. Des réactions n’ont pas tardé dans le camp de l’opposition qui l’accuse de manipuler le peuple et de verser dans les contre-vérités.
Initialement annoncé pour présider l’inauguration de certains ouvrages dans la province du Haut-Katanga, en l’occurrence le nouveau siège de l’assemblée provinciale. Il était aussi attendu pour lancer les activités de la société Kipushi Corporation (KICO), une jointe venture de la Générale des Carrières et des Mines (Gécamines SA). Félix Tshisekedi a mis en avant son projet de révision constitutionnelle, déclarant sans ambiguïté que : « Qui est celui-là qui va m’interdire, moi le garant de la nation, de changer la constitution ? ». Et d’affirmer haut et fort ce qu’il avait déjà prononcé à Kisangani. Se présentant comme le garant de la Nation, il a insisté sur le fait que personne ne pourrait l’empêcher de réaliser son projet, qu’il estime indispensable pour le bien du pays. « Personne ne changera mon avis pour le changement de la constitution », a-t-il ajouté avec fermeté. Ceci porte à croire que Félix Tshisekedi est résolument décidé de « remettre le compteur à zéro » et à modifier la Constitution coûte que coûte. Cette posture est jugée d’autocratique par plusieurs observateurs et a choqué une bonne partie de l’opinion publique qui y voit un désir de prolonger son mandat et d’accroître son pouvoir, malgré ses dénégations habituelles.
Un discours prononcé tardivement dans la nuit, applaudi par certains supporters inconditionnels, principalement des jeunes désœuvrés et des femmes parmi les marchandes des marchés. De l’avis de certains analystes indépendants, ce discours semble avoir été conçu pour, d’une part, renforcer l’image auprès de sa base populaire. Et d’autre part, pour humilier les adversaires politiques par des erreurs d’approche. Voilà qui a déclenché automatiquement des critiques par les opposants, qui dénoncent une instrumentalisation des masses et une déconnexion totale du chef de l’État face aux réalités socio-économiques du pays.
Nombreux sont ceux qui estiment que Félix Tshisekedi devrait apporter des solutions aux crises économiques, sociales et sécuritaires qui frappent durement la population que de verser dans des attaques qui le discréditent davantage.
Les réactions à chaud n’ont pas tardé !
Le discours du président Tshisekedi à la place Moïse Tshombe a été jugé fortement teinté de manipulation, d’intimidation et de non vérité. « Ce soir à Lubumbashi, j’ai noté un président Tshisekedi aux abois, aussi faible qu’affaibli par l’ivresse d’un pouvoir illégitime, davantage agité et inquiet de son avenir, cherchant désespérément par les mensonges, la manipulation, les menaces et les intimidations à perpétrer un coup d’Etat constitutionnel par le changement de la constitution », a écrit Claudel Lubaya.
Justifiant ainsi sa volonté de changer les règles du jeu politique en prétextant que l’article 217 de la constitution comme leitmotiv pour la révision de la constitutionnelle congolaise, ses propos ont été perçus par certains acteurs de la scène politique congolaise comme une tentative de manipulation juridique pour légitimer un projet ‘’funeste’’ qui semble davantage servir ses intérêts personnels que ceux du peuple. Et Delly Sessanga, président du parti d’opposition Envol de réagir, à en croire une vidéo qui circule sur la toile, en ces termes : « Je viens de suivre le second discours de M. Félix Tshisekedi sur le changement de la constitution à partir de Lubumbashi après celui de Kisangani. Un discours qui est entre les mensonges et les menaces en guise d’argument pour justifier le changement de la constitution de notre pays. Ce qui déshonore à la fois la fonction, mais discrédite alors complètement le projet. Qui vous a dit M. Tshisekedi que vous avez la charge de limiter l’étendue du débat sur le projet funeste de changer la constitution en menaçant de poursuites les opinions contraires sous le prétexte fallacieux de la manipulation. »
Cet opposant au régime de Kinshasa s’est largement étendu sur l’aspect manipulation dont a fait allusion le président de la République dans son adresse.
En outre, il a ouvertement menacé toute personne qui oserait s’opposer à sa vision, qualifiant ses opposants de détracteurs de l’intérêt général. Il a administré une leçon quant à ce en ces termes : « la manipulation c’est lorsque vous essayez de faire croire à toute la nation que c’est la constitution qui vous empêche de lutter contre la corruption, les détournements et les gabegies financières coutumières à votre régime et auxquels se livrent quotidiennement vos proches, vos amis et vos collaborateurs (…) c’est aussi lorsque vous faites croire que c’est la constitution qui vous empêche d’améliorer la condition sociale des Congolais, accroitre leur pouvoir d’achat, créer des emplois pour les jeunes, donner de l’eau, de l’électricité, construire des routes, des hôpitaux, , des écoles de qualité pour tous (…) la manipulation c’est lorsqu’encore vous faites croire que c’est la constitution qui empêche de ramener la paix à l’Est et de recouvrer la souveraineté sous le territoire occupé ; alors qu’en réalité vous bénéficiez de plein pouvoir et de tous les moyens consacrés par notre parlement à la lutte contre ce fléau qui déchire notre pays qui n’ont pas donné des résultats probants (…) c’est aussi lorsque vous versez dans une interprétation tout à fait iconoclaste de l’article 217 de la constitution par un faux bruit en faisant croire que cet article dispose et expose l’Etat congolais à céder des territoires à des Etat voisins. Sinon M. Etienne Tshisekedi dont vous portez fièrement le nom n’aurait pas proposé la même disposition à l’article 69 de la constitution du 24 juin 1967 dont il était corédacteur sous la 2ème République avec le président Mobutu (…) la manipulation, c’est aussi lorsque vous inoculé la peur dans la population au lieu de la rassurer. Alors que vous consacrez l’essentiel de vos déplacements à l’étranger, alors que vous dirigez un gouvernement dont la survie tient en partie de la solidarité internationale, à l’exemple des derniers accords signés avec le Fonds monétaire international (FMI). La manipulation enfin, c’est lorsque prenant les enfants de bon Dieu pour des canards sauvages en feignant d’ignorer qu’un changement de la constitution conduit à une nouvelle constitution dont le bénéfice est strictement personnel, remet le compteur à zéro en faisant sauter les verrous de l’article 220 pour vous permettre de solliciter un 3ème mandat là où les Congolais ont voulu justement que plus personne ne puisse exercer plus de 2 mandats à la tête de notre pays. La manipulation, c’est ce bénéfice personnel que vous recherchez et contre lequel tous les défenseurs de la constitution se battent, à savoir, limiter le nombre des mandats du président de la République qui ne doit plus dépendre du bon vouloir du prince mais de la loi, la constitution, le pacte républicain, l’article 220. »
Delly Sessanga chute en prévenant le président de la République que « ni les menaces, ni mensonges ne feront nullement reculer le peuple congolais. Et vous aurez au-devant de vous tous les patriotes qui veulent aujourd’hui que le Congo devienne à jamais une République, un Etat au service de l’intérêt général ».
Il faut rappeler que le jeudi 14 novembre dernier, cet opposant a fait l’objet d’une interpellation brutale et barbare des éléments de la police à Kinshasa alors qu’il sensibilisait ses partisans sur le non-changement de la constitution.
L’un des moments les plus controversés de son discours a été son attaque contre les leaders Katangais, qu’il a accusés de n’avoir pas relancé des projets locaux comme l’entreprise Kico à Kipushi. Cette déclaration a été interprétée comme une tentative de discréditer ses rivaux politiques tout en se présentant comme l’unique solution aux problèmes du Katanga. Pourtant, certains observateurs y voient une méconnaissance des dossiers régionaux et une gestion défaillante des enjeux économiques locaux.
Comme dans ses habitudes légendaires, Félix Tshisekedi n’a pas manqué de faire ses traditionnelles promesses d’emplois pour les jeunes que l’entreprise Kico devra embaucher. Une promesse qui pourra perdre de son crédit au fil du temps, car cette société minière du groupe Ivanhoé a sur sa table l’épineuse revendication d’embauche non résolue des jeunes autochtones de Kipushi.
Fatshi vient de rater encore une occasion de réconcilier les tendances et d’apaiser les esprits suite à son discours clivant et revanchard. Ce qui alimente encore les tensions au lieu de renforcer la cohésion nationale. C’était pour lui une occasion en or de fédérer les Congolais autour d’un projet commun pour l’avenir du pays que de vouloir s’attaquer aux leaders du coin avec des informations à la fois farfelues et erronées que lui fournissent les flatteurs locaux.
G. Wakunonda