A chaque fois que le ministre national de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya Kasende organise dans les provinces son célèbre « briefing’’, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer un mode opératoire jugé opaque, partisan, et irrespectueux d’une part de la liberté d’expression, et d’autre part des structures locales du secteur de la communication. Sa dernière séance à Lubumbashi dans le Haut-Katanga en fait foi.
Lors du récent séjour du gouvernement Suminwa à Lubumbashi, Patrick Muyaya a tenu son habituel Briefing. Le style étant le même : accorder peu de temps, des questions ciblées à l’avance. Une façon de dicter sa volonté et sa ligne de conduite.
L’on se pose la question de savoir pourquoi n’associe-t-il pas les responsables des professionnels et les autorités du secteur en sa qualité de ministre de tutel ? Par exemple, le chef de division provinciale de la communication, pourtant technicien attitré du ministère en la matière, qui est complètement ignoré. Pourtant, son rôle est clé dans l’établissement d’un état des lieux réaliste du secteur. « Il est sur le terrain, connaît les réalités locales, mais on préfère le contourner », regrette un journaliste local. Le ministre Muyaya ne se donne même pas le luxe de visiter le cadre de travail de son collaborateur. Surprenant !
Même constat pour le ministre provincial de la communication, lui aussi relégué au second plan. S’agit-il d’un manque de coordination ? D’une négligence ? Ou d’une volonté délibérée d’éviter toute interférence avec le programme très contrôlé du ministre national ? On a l’impression que leur présence est perçue comme une gêne dans le programme du ministre national de la Communication, alors qu’ils devraient être des partenaires essentiels.
Une conférence verrouillée, des questions filtrées
Mais ce qui indigne davantage la communauté journalistique, c’est la manière dont les briefings sont organisés. Loin d’être un espace libre d’expression et d’échange, ces rendez-vous sont accusés de se transformer en shows millimétrés, où rien n’est laissé au hasard.
« Ce sont les proches du ministre ou les médias ‘favoris’ qui sont sélectionnés pour y participer. Les autres, même les plus professionnels, sont laissés de côté », confie un journaliste local sous anonymat. On a l’impression que « Les questions sont préparées à l’avance, distribuées à ceux qui ont été choisis. Résultat : pas de débat réel, pas de confrontation d’idées, juste un monologue bien huilé du ministre lui-même. »
Un malaise croissant dans la corporation
Pour de nombreux professionnels de l’information, cette manière de faire contribue à creuser le fossé entre les autorités et la presse locale. « On veut nous réduire au rôle de figurants applaudisseurs. Ce n’est pas notre métier », s’indignent les journalistes.
Cette exclusion suscite une inquiétude plus large sur l’état de la liberté de la presse et sur la place réelle des journalistes dans le traitement de l’information publique. Un journaliste averti estime que : « Un briefing ne doit pas être un meeting. C’est un moment pour poser les vraies questions, surtout dans le contexte politique, économique et sécuritaire que traverse le pays. Quelle qu’en soit la complexité »
Appel à une réforme urgente des pratiques
Tout en appréciant l’organisation de cet exercice du ministre de la Communication et des Médias, il est important de repenser les modalités de cette organisation en impliquant des structures locales : ministères provinciaux, divisions techniques, et surtout associations de journalistes. C’est la condition indispensable pour garantir l’équité, la transparence et la crédibilité de ces exercices de communication.