La famille présidentielle indexée
Malgré une hausse record de la production minière et des prix mondiaux, la population du Haut-Katanga et du Lualaba reste plongée dans la pauvreté. Entre détournements massifs, accaparement des ressources par des proches du pouvoir, et répression militarisée, ces provinces minières s’enfoncent dans l’amertume et voient leur population complètement clochardisée. Le récent rapport accablant [de 45 pages ci-dessous synthétisé] publié par l’association DESC/RDC met en lumière des graves révélations sur les détournements, les rétro-commissions et des cas d’impunité dans le secteur minier dans l’espace Katanga entre 2018 et 2024.
Entre 2020 et 2022, la RDC a vu sa production minière exploser, soutenue par la flambée des cours des matières premières. Le cuivre, particulièrement prisé dans l’industrie électrique et automobile, a vu son prix dépasser les 9 000 dollars la tonne. Résultat : une valeur de production estimée à 71,3 milliards de dollars.
Mais selon le Centre de recherche en finances publiques et développement local (CREFDL), seuls 12,5 milliards ont atterri dans les caisses de l’État. Les 58,7 milliards se sont volatilisés.Soit plus de 82 % des revenus miniers introuvables.
Le rapport du CREFDL démontre également que les recettes du secteur ont dépassé les prévisions budgétaires de 209 %, sans que cela ne se reflète dans les finances publiques ou le développement local.
Katanga, terre de richesses, mais aussi de misère !
Le paradoxe est flagrant dans les rues de Lubumbashi, Likasiou de Kolwezi, pour ne citer que celles-là, les habitants ne voient rien de ces chiffres vertigineux énoncés ci-haut. Pas d’électricité, pas d’eau courante, pas de routes dignes de ce nom. Les hôpitaux sont sous-équipés, les écoles tombent en ruine. Et pourtant, chaque jour, des centaines de camions transportent au vu de tout le monde des tonnes de minerais hors de la province.
« Nous sommes condamnés à regarder nos richesses partir sous nos yeux. Nous produisons pour le pays, mais on n’a même pas une route correcte ou un hôpital fonctionnel digne », témoigne un membre de la société civile à Kolwezi.
Le « Far West » sécuritaire : répression et silence
Plus choquant, dans ces zones minières du Haut-Katanga et du Lualaba, la contestation est risquée. Les creuseurs et autres négociants sont soumis à un climat de harcèlement permanent, notamment de la part de la garde républicaine, pourtant une unité d’élite directement rattachée à la présidence de la République. Des carrières sont ravies de force sans que personne ne bronche. « Ici, c’est la loi de l’arme. Personne ne peut s’opposer sans risquer sa vie ou sa liberté. C’est le Far West », dénonce un activiste local sous anonymat.
Gécamines : un pillage interminable
Dans son rapport intitulé “Détournements, rétro-commissions et impunité”, L’association DESC/RDC retrace l’histoire de la Gécamines, l’ancienne fierté industrielle du pays. Trois périodes sont comparées :
- 1968-2001 (Zaïre) : 10 millions de tonnes de cuivre, 19 milliards $ générés
- 2002-2017 (Kabila) : 7,5 millions de tonnes, 41 milliards $
- 2018-2024 (Tshisekedi) : plus de 13 millions de tonnes, 129 milliards $ estimés
Plus étonnant, selon les auteurs dudit rapport, “rien ne se construit” avec ces revenus. La conclusion est cinglante : tout est détourné au profit d’une minorité.
Pourtant, « Sous la colonisation, la Belgique a construit les routes, les chemins de fer, les usines. Aujourd’hui, avec dix fois plus de revenus, nous n’avons même pas un robinet qui coule », résume un chercheur impliqué dans l’étude.
L’ombre de la famille présidentielle cité !
C’est un secret de polichinelle, le rapport de DESC/RDC va plus loin. Il identifie une quinzaine de sites miniers accaparés par des membres de la famille présidentielle, avec l’aide de la garde républicaine. Une liste des détenteurs des carrières a été même publiée dans ce rapport. Il s’agit d’une nouvelle bourgeoisie compradore qui s’est impunément installée.
« Ils envoient les militaires pour sécuriser un site. Ensuite, le minerai passe entre les mains d’un frère, d’un cousin, ou de l’épouse du président. C’est aussi simple que ça”, affirme un spécialiste du secteur minier basé dans le Grand Katanga.
Pour preuve, une vidéo virale sur les réseaux sociaux montrait récemment un ministre provincial refoulé brutalement d’un site qui serait exploité « illégalement » par un proche du pouvoir. Aujourd’hui, ce site est toujours exploité sans autorisation officielle, renseigne-t-on.
Des fortunes soudaines, une impunité totale
Le rapport dénonce aussi la prospérité fulgurante de plusieurs membres du premier cercle familial, tous de nationalité belge. Ces derniers mènent une vie de luxe ostentatoire, loin de la misère de leurs concitoyens : jets privés, voitures de luxe, villas à l’étranger, alors que les provinces minières où ces minerais sont extraits, croupissent dans la boue et la frustration. Ce qui contrarie le slogan selon lequel : « le peuple d’abord ».
Des témoignages poignants laissent entendre que « plusieurs jeunes sans emploi hier en Belgique, sont devenus des milliardaires en un laps de temps en RDC, sans que personne ne s’en étonne ».
Une crise morale et politique profonde
Ce scandale est emblématique de l’impunité et de la captation des ressources publiques en République démocratique du Congo. Si les institutions ne prennent pas de mesures fermes, le fossé entre une élite prédatrice et une population sacrifiée risque de devenir irréparable. L’heure n’est plus aux rapports, mais à la justice, à la transparence, et à la redevabilité.
Synthèse de la rédaction [Source : Rapport DESC, avril 2025]