Dans une interview exclusive accordée à une journaliste de Kinshasa, l’ancien ministre des Finances de la RDC, Nicolas Kazadi Kadima Nzuji dénonce un système de détournements institutionnalisés, une gestion chaotique des fonds publics et une impunité généralisée au sommet de l’État.
C’est une sortie médiatique qui secoue le microcosme politique congolais. Craignant peut-être le grand déballage en vue, il se dédouane ou profitant de ses immunités parlementaires pour venger son départ du gouvernement, Nicolas Kazadi, ancien argentier du régime Tshisekedi et figure influente de l’UDPS, a préféré briser le silence dans une interview exclusive accordée à la journaliste Paulette Kimuntu. L’ex-argentier du régime Tshisekedi, longtemps soupçonné de fraudes par l’Inspection générale des finances (IGF), contre-attaque et accuse le pouvoir d’avoir transformé la gestion de l’État en véritable système de prédation.
Des fonds partagés avant l’exécution des projets
Nicolas Kazadi n’y est pas allé par quatre chemins. Selon lui, les fonds publics sont accaparés dès leur décaissement, bien avant qu’un quelconque projet ne voie le jour. « L’argent de l’État est partagé entre les décideurs avant même que les travaux ne commencent. On multiplie les primes, on gonfle les salaires, mais les projets d’intérêt public restent inachevés ou fictifs. On va réfléchir après », a-t-il déclré
L’ancien ministre évoque plusieurs cas emblématiques : l’organisation du sommet de la Francophonie à Kinshasa, les projets de lampadaires urbains, ou encore les forages d’eau potable. Autant d’initiatives pour lesquelles des budgets colossaux ont été mobilisés, sans impact visible pour les populations.
Une impunité bien orchestrée
Kazadi décrit un régime où l’impunité est la norme et la protection des détourneurs, systématique. « Quand vous volez, vous êtes protégé. Quand vous dénoncez, vous devenez une cible. C’est ce qui m’est arrivé. », clame son innocence sans convaincre l’opinion
Il affirme que ses tentatives de réforme et de redressement des finances publiques ont été ignorées par le président Félix Tshisekedi (sous-entendu, Ndlr), malgré une hausse significative du budget national, passé de près de 4 à 16 milliards USD entre 2020 et 2024, les dépenses des institutions se sont aussi accrues sans aucun investissement significatif. Les 2 chambres du parlement sont citées parmi les grands budgétivores ayant décuplé leurs enveloppes de fonctionnement mensuel.
L’IGF accusée de faire le jeu du pouvoir
L’un des passages les plus explosifs de l’interview concerne l’IGF. Kazadi accuse directement son chef, Félix Tshisekedi en qualifiant Jules Alingete, de partialité et de manipulations. Selon lui, l’IGF est un outil politique pour neutraliser ceux qui ne sont pas dans la ‘’vision’’ du régime.
Ces accusations fragilisent l’image d’une institution souvent présentée comme le fer de lance de la lutte contre la corruption en RDC. D’ailleurs, il n’y a aucun doute que l’expert-comptable Alingete ne soit précipité à la retraite à 62 ans. Sa tête serait mise à prix. Des services de sécurité sont sensibilisés pour empêcher sa sortie du pays.
Des entreprises publiques à l’agonie
C’est une descente aux enfers. L’économie congolaise est à l’arrêt malgré les chiffres budgétaires flatteurs. Rien n’est investi durablement pour améliorer la vie des Congolais. Nicolas Kazadi dénonce également la gestion calamiteuse des entreprises publiques, qui produisent sans générer de profits. Il parle de “structures vidées de leur substance”, maintenues sous perfusion budgétaire malgré leurs contre-performances chroniques.
Un désaveu interne retentissant
Cette prise de parole de Nicolas Kazadi marque un tournant décisif pour le régime amateur en place. Elle est le signe d’un désaveu profond, venu de l’intérieur même du système Tshisekedi, après celui du terrible Jean-Marc Kabund a Kabund. Alors que le président entame son deuxième mandat, cette voix dissidente pourrait renforcer les critiques persistantes sur la mauvaise gouvernance, l’affairisme et l’échec du changement promis. Ceci vient aussi confirmer ce qui se dit depuis l’avènement de ce régime qualifié et confirmé de jouissance. N. Kazadi l’a dit tout haut avec force.
Une parole qui fait écho
Les propos de Kazadi font écho à ceux de la société civile, des ONG et de l’opposition, qui dénoncent depuis 2019 la gestion hasardeuse des ressources publiques. Mais jamais encore un acteur aussi proche du régime n’avait parlé aussi ouvertement. Loin de se croire innocent, Nicolas Kazadi devrait voir ses immunités être enlevées afin d’être jugé. Les opposants exigent de la haute cour de justice l’ouverture d’une enquête afin d’établir les responsabilités au regard des déclarations non trompeuses et graves de celui qui avait la gestion au quotidien des finances de l’Etat. C’est cela le véritable Etat de droit.
L’on apprend que se trouvant à Mbuji-Mayi son fief électoral, il serait interpellé par les services envoyés par Kinshasa avant d’être relâché, car jouissant des immunités parlementaires. Les Congolais ont des yeux braqués sur ce dossier sulfureux qui touche le régime en plein cœur par un de ses hauts cadres.
Gabriel Wakunonda