A Bruxelles, le président congolais Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a surpris les participants du Global Gateway Forum en appelant à « la paix des braves » avec son homologue rwandais Paul Kagame. Un geste de réconciliation salué par certains, mais jugé « cynique » par Kigali. Entre diplomatie affichée et réalités de guerre, l’espoir d’un apaisement durable reste suspendu.
« Je tends la main au président Kagame. Nous sommes les deux seuls capables d’arrêter cette escalade. Il n’est pas trop tard pour bien faire », a déclaré Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, au Global Gatway Forum le 9 octobre dernier.
Le Global Gateway Forum, organisé du 9 au 10 octobre 2025 par l’Union européenne, a pour objectif de renforcer les partenariats économiques entre l’Europe et les pays en développement. L’initiative prévoit une enveloppe globale de 300 milliards d’euros d’ici 2027. La moitié de ces fonds est réservée à l’Afrique, en vue de financer les infrastructures, l’énergie, la santé et la transition verte.
Pour la RDC, ce rendez-vous a représenté une opportunité majeure de repositionnement économique. Il faut signaler que depuis un an, une Task Force spéciale sur l’attractivité des investissements européenstravaille à accroître la visibilité du pays auprès des bailleurs internationaux. Le président Tshisekedi, qui est arrivé mercredi soir à Bruxelles, y a défendu une vision d’un Congo « moteur du développement africain ».
Un appel inattendu à la “paix des braves”
Lors de son intervention, Félix Tshisekedi a choisi d’aller au-delà des questions économiques. Face à l’auditoire composé de dirigeants européens et africains, il a directement interpellé son homologue Paul Kagame, présent à la rencontre.
« Je n’ai jamais été belliqueux envers nos voisins (…) Nous devons regarder dans la même direction et travailler ensemble pour nos peuples », a-t-il lancé. Il a par la même occasion pris à témoin le président angolais João Lourenço, médiateur du processus de Luanda. Selon lui, la paix entre les deux pays était “presque acquise” avant d’être compromise par le Rwanda. « Nous étions à 98 % du chemin. Il n’est pas trop tard pour bien faire », a-t-il insisté. Dans une attitude d’humilité, le président Congolais a appelé à un sursaut d’orgueil régional.
Le contre-attaque de Kigali
La réaction de Kigali ne s’est pas fait attendre. Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a qualifié les propos de Félix Tshisekedi de « cinéma politique ». L’accusant d’avoir « détourné un forum économique pour en faire une tribune d’accusation ».
Le président Kagame a parlé de coopération et de développement. « Ce n’était ni le lieu ni le moment pour rouvrir la question de la RDC », a déclaré le diplomate.
Le Rwanda estime que Kinshasa viole les accords de cessez-le-feu signés à Luanda et Washington, et accuse le président congolais de tenir un double discours — appelant à la paix tout en poursuivant des opérations militaires contre le M23.
Une paix encore à construire
Au-delà des échanges de mots, la scène bruxelloise illustre la complexité des relations entre les deux voisins. D’un côté, Kinshasa tente de rallier la communauté internationale autour d’un projet de paix et de développement durable ; de l’autre, Kigali persiste à dénoncer ce qu’il considère comme une mise en accusation diplomatique.
Pour les observateurs, le geste de Félix Tshisekedi, même contesté, aura eu le mérite de replacer la paix dans les Grands Lacs au cœur des débats internationaux.
Mais sur le terrain, les combats se poursuivent dans l’est de la RDC, où le M23 maintient la pression. Entre diplomatie des mots et réalités des armes, la paix des braves reste, pour l’instant, une promesse encore suspendue.
G. Wakunonda