Sous les dorures du Golfe, loin des collines du Kivu, se joue une partie diplomatique qui pourrait redéfinir la paix dans l’Est de la République Démocratique du Congo. A Doha, le gouvernement congolais et le mouvement M23, réuni sous la bannière de l’Alliance Fleuve Congo (AFC-M23), ont signé, le 14 octobre 2025, un mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu. Mais derrière les poignées de main et les sourires protocolaires, subsistent les cicatrices d’une méfiance tenace et les calculs géopolitique d’une région en ébullition.
Un long détour vers la paix
On croyait le cycle de Nairobi clos, mais c’est à Doha, capitale du Qatar, que le processus de paix a trouvé un second souffle. Depuis mars 2025, la diplomatie qatarie, réputée pour sa neutralité, a réussi à attirer à sa table le gouvernement de Kinshasa et les représentant de l’AFC/m23, après l’échec relatif des médiations de l’Afrique de l’Est.
Selon une source proche du dossier, « le Qatar est apparu comme un terrain neutre, loin des influences régionales qui parasitaient les discussions ». Le président Félix Tshisekedi, conseillé par ses partenaires occidentaux, a accepté de transférer le dialogue dans le Golfe pour sortir de l’impasse diplomatique où s’enlisait le processus de Nairobi. Il s’agit d’un long détour, certes, c’est peut-être la voie sûre pour la paix.
Le 19 juillet 2025, les parties ont signé la Déclaration de principes de Doha, un texte fondateur de dix articles engageant les deux camps à cesser les hostilités, protéger les civils et travailler à un accord global de paix.
Ce document, soutenu par les États-Unis, l’Union africaine et la CIRGL, a ouvert la voie à la libération d’une première vague de prisonniers début septembre, avant la signature. Le 14 octobre dernier, il s’en est suivi la signature du mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu (MSVC).
Ce dernier acte, selon le ministère congolais de la Communication, Patrick Muyaya, « constitue une étape majeure dans la mise en œuvre de la Déclaration de Principes de Doha ». Le texte prévoit la participation d’observateurs du Qatar, de la MONUSCO, de la CIRGL et des Etats-Unis, aux côtés des délégués de 2 parties, gouvernement de Kinshasa et AFC/M23
Les cicatrices du doute
Mais sur le terrain, la confiance reste fragile. Certains acteurs proches du pouvoir de Kinshasa s’indignent de la ’’légitimation’’ de l’AFC/M23. Pour eux, l’AFC/M23 est perçu non comme un organisation politique mais plutôt comme une force armée soutenue par Kigali. « La paix ne peut pas se construire en récompensant la rébellion », dénonce-t-on.
Du côté du M23, la rhétorique est différente. Bertrand Bisimwa, président politique du mouvement, a déclaré depuis Doha : « Nous ne cherchons pas la guerre, nous voulons une paix durable qui protège toutes les communautés du Kivu, sans exclusion ni vengeance. »
Une phrase qui sonne comme une main tendue, mais qui ne dissipe pas la méfiance de Kinshasa. Car, le pouvoir de Kinshasa reste convaincu de l’influence rwandaise sur le M23, malgré les déclarations de bonne foi.
Le Qatar, nouveau médiateur africain
En se positionnant comme facilitateur du processus de paix en faveur de la RDC, le Qatar s’offre une nouvelle stature internationale. Déjà actif dans les dossiers soudanais et tchadiens, l’émirat veut s’imposer comme une puissance de médiation globale. « Nous n’avons aucun intérêt économique ou militaire au Congo. Notre rôle est celui d’un pays de paix », a affirmé à Doha le diplomate qatarien Khalid bin Rashid Al-Nuaimi.
Mais cette neutralité affichée n’est pas sans arrière-pensée. Quoi qu’on le dise, le Qatar, par sa diplomatie d’influence, cherche à renforcer ses liens avec les Etats-Unis et l’Union africaine. Ce qui lui permet, tout de même de gagner une place au cœur des grands enjeux africains.
Un tournant ou un mirage ?
Pour de nombreux observateurs, le processus de Doha est à la croisée des chemins. D’une part, il représente un espoir concret de désescalade, après des années de combats dans la région du Kivu. D’autre, il demeure fragile, dépendant des calculs régionaux et du respect réel des engagements sur le terrain.
Pour un diplomate européen, la situation pourrait se résumer en ceci : « Doha est un pari. Si Kinshasa et le M23 jouent la carte de la sincérité, c’est une chance pour la paix. Mais si chacun y va pour gagner du temps, ce sera un accord de plus, sans lendemain. »
Une chose à retenir est que : la paix ne se signe pas, elle se construit. Mais au-delà des signatures et des communiqués, la paix véritable devra se mesurer à la sécurité retrouvée des habitants dans la région du Kivu, pas à la longueur des tables diplomatiques.
Doha a offert un espace de parole, il appartient à Kinshasa, spécialement, de prouver que cette parole n’était pas un simple exercice diplomatique. C’est une occasion pour la réconciliation nationale qui passe par le dialogue inclusif tant attendu par tous.
Jeef Mwingamb